« Le roi sent bien que la propriété féodale a la même origine que la sienne ; si la royauté est un privilège, la seigneurie en est un autre ; le roi n’est lui-même que le plus privilégié des privilégiés. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.II.3, 1875
« Rien de plus difficile à fonder que le gouvernement, j’entends le gouvernement stable : il consiste dans le commandement de quelques-uns et dans l’obéissance de tous, chose contre nature. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.II.5, 1875
« Quand le roi renvoie un seigneur dans ses terres, c’est la pire disgrâce ; à l’humiliation de la déchéance s’ajoute le poids insupportable de l’ennui. Le plus beau château dans un site agréable est un affreux « désert » ; on n’y peut voir personne, sauf des grotesques de petite ville ou des rustres de village. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.III.3, 1875
« Depuis des siècles, la haute noblesse s’obère par son luxe, par sa prodigalité, par son insouciance, et par ce faux point d’honneur qui consiste à regarder le soin de compter comme une occupation de comptable. Elle est fière de sa négligence, elle appelle cela vivre noblement. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.III.3, 1875
« Quand la souveraineté se transforme en sinécure, elle devient lourde sans rester utile, et, quand elle est lourde sans être utile, on la jette à bas. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.III.3, 1875
« La France ressemble à une vaste écurie où les chevaux de race auraient double et triple ration pour être oisifs ou ne faire que demi-service, tandis que les chevaux de trait font le plein service avec une demi-ration qui leur manque souvent. Encore faut-il noter que, parmi ces chevaux de race, il est un troupeau privilégié qui, né auprès du râtelier, écarte ses pareils et mange à pleine bouche, gras, brillant, le poil poli et jusqu’au ventre en la litière, sans autre occupation que de toujours tirer à soi. Ce sont les nobles de cour, qui vivent à portée des grâces, exercés dès l’enfance à demander, obtenir et demander encore, uniquement attentifs aux faveurs et aux froideurs royales, pour qui l’Œil-de-bœuf compose l’univers.»
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.IV.3, 1875
« Tel est l’emploi des grands auprès du pouvoir central : au lieu de se faire les représentants du public, ils ont voulu être les favoris du prince, et ils tondent le troupeau qu’ils devraient préserver. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.IV.3, 1875
« Car le propre d’une aristocratie qui ne songe qu’à soi est de devenir une coterie. Ayant oublié le public, elle néglige par surcroît ses subordonnés ; après s’être séparée de la nation, elle se sépare de sa suite. C’est un état-major en congé qui fait bombance et ne prend plus soin des sous-officiers ; vienne un jour de bataille, personne ne marche après lui, on cherche des chefs ailleurs. Tel est l’isolement des seigneurs de cour et des prélats au milieu de la petite noblesse et du bas clergé ; ils se font la part trop grosse, et ne donnent rien ou presque rien aux gens qui ne sont pas de leur monde. Contre eux, depuis un siècle, un long murmure s’élève et va s’enflant jusqu’à devenir une clameur où l’esprit ancien et l’esprit nouveau, les idées philosophiques grondent à l’unisson. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.IV.4, 1875
« Reste un dernier privilège, le plus énorme de tous, celui du roi ; car, dans cet état-major de nobles héréditaires, il est le général héréditaire. À la vérité son office n’est pas une sinécure comme leur rang ; mais il comporte des inconvénients aussi graves et des tentations pires. Deux choses sont pernicieuses à l’homme, le manque d’occupation et le manque de frein ; ni l’oisiveté, ni la toute-puissance ne sont conformes à sa nature, et le prince absolu qui peut tout faire, comme l’aristocratie désœuvrée qui n’a rien à faire, finit par devenir inutile et malfaisant. — Insensiblement, en accaparant tous les pouvoirs, le roi s’est chargé de toutes les fonctions ; tâche immense et qui surpasse le forces humaines. Car ce n’est point la Révolution, c’est la monarchie qui a implanté en France la centralisation administrative. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.IV.5, 1875
« En l’état où est l’impôt, chaque largesse du monarque est fondée sur le jeûne des paysans, et le souverain, par ses commis, prend aux pauvres leur pain pour donner des carrosses aux riches. – Bref le centre du gouvernement est le centre du mal ; toutes les injustices et toutes les misères en partent comme d’un foyer engorgé et douloureux ; c’est ici que l’abcès public a sa pointe, et c’est ici qu’il crèvera. »
Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.IV.5, 1875
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