« Le ton change dans les fables, et le vers aussi. La Fontaine n’essaye pas d’y fronder la morale, mais d’en établir une. Il s’agit de peindre toute la vie humaine, et non plus seulement les parties défendues de la vie humaine. Aussi ces fables sont notre épopée; nous n’en avons point d’autre. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.III, 1861
« C’est La Fontaine qui est notre Homère. Car d’abord il est universel comme Homère: hommes, dieux, animaux, paysages, la nature éternelle et la société du temps, tout est dans son petit livre. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.III, 1861
« La Fontaine est le seul qui nous ait donné le vers qui nous convient, «toujours divers, toujours nouveau,» long, puis court, puis entre les deux, avec vingt sortes de rimes, redoublées, entrecroisées, reculées, rapprochées, tantôt solennelles comme un hymne, tantôt folâtres comme une chanson. Son rythme est aussi varié que notre allure. Non plus que nous, il ne soutient pas longtemps le même sentiment. «Diversité, c’est sa devise.»
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.III, 1861
« La Fontaine semble un simple, occupé du loup, du renard, capable tout au plus de rêver parmi les prés et les basses-cours, et d’en badiner devant les grandes personnes, avec quelque profit pour les enfants. Et tout d’un coup on découvre sous cette apparence innocente un satirique, un philosophe, un connaisseur de l’homme; en sorte que de tous ses héros c’est lui qui est le plus amusant et le mieux masqué. Ce déguisement est exquis. Il ôte à la vérité sa tristesse, au badinage sa frivolité. On se divertit et on pense. On y est à la fois dans les mondes ou plutôt sur la limite des deux mondes; et l’on cueille à la fois tous leurs fruits et toutes leurs fleurs. Un vers vous porte dans la campagne, sous la ramée verte; un autre vous ramène dans les salons, au beau milieu d’une cérémonie royale. Vous entrevoyez le museau fin d’un renard, et un instant après la physionomie avisée d’un courtisan. Aucune de ces deux vues ne nuit à l’autre: elles se suivent sans s’effacer. L’agilité du charmant esprit qui va et vient de l’une à l’autre les unit sans les brouiller. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.III, 1861
« Il est rare en France de rencontrer un grand écrivain qui soit populaire. Ordinairement ceux qui sont populaires ne sont point grands, et ceux qui sont grands ne sont point populaires. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.IV, 1861
« La Fontaine est, je crois, le seul en qui l’on trouve la parfaite union de la culture et de la nature. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.IV, 1861
« Toute grande oeuvre littéraire contient un traité de la nature et des hommes, et il y en a un dans ces petites fables. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.1, Chap.IV, 1861
« Une procession d’habits dorés suit le maître; il n’y a pas de roi sans courtisans. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.2, Chap.I, 1861
« Tel est le portrait complet du courtisan. Avide, impudent, dur, railleur, perfide, sans pitié, mais spirituel, prompt, inventif, persévérant, maître de soi, éloquent, son métier a fait son caractère. N’ayant de revenu que celui des autres, il faut bien qu’il vive sur le public, et en particulier aux dépens du roi. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.2, Chap.I, 1861
« Le Rastignac de Balzac ressemble beaucoup au renard de La Fontaine, et on découvre bien vite les mêmes mœurs, sous des apparences différentes, dans la Comédie humaine, dans les Fables de La Fontaine et dans les Mémoires de Saint-Simon. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.2, Chap.I, 1861
« Nous naissons tous et nous croissons d’un mouvement spontané, libres, élancés, comme des plantes saines et vigoureuses. On nous transplante, on nous redresse, on nous émonde, on nous courbe. L’homme disparaît, la machine reste; chacun prend les défauts de son état, et de ces travers combines naît la société humaine. »
Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.2, Chap.I, 1861
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