« Le triomphe de la Révolution étonna presque tous les contemporains et il semble que les plus intelligents, les plus réfléchis et les plus instruits des choses politiques aient été les plus surpris ; c’est que des raisons tirées de l’idéologie ne pouvaient expliquer ce succès paradoxal. Il me semble qu’aujourd’hui encore la question n’est guère moins obscure pour les historiens qu’elle ne l’était pour nos pères. Il faut chercher la cause première de ce triomphe dans l’économie : c’est parce que l’Ancien Régime a été atteint par des coups rapides, alors que la production était en voie de grands progrès, que le monde contemporain a eu une naissance relativement peu laborieuse et a pu être si rapidement assuré d’une vie puissante. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Le danger qui menace l’avenir du monde peut être écarté si le prolétariat s’attache avec obstination aux idées révolutionnaires, de manière à réaliser, autant que possible, la conception de Marx. Tout peut être sauvé si, par la violence, il parvient à reconsolider la division en classes et à rendre à la bourgeoisie quelque chose de son énergie ; c’est là le grand but vers lequel doit être dirigée toute la pensée des hommes qui ne sont pas hypnotisés par les évènements du jour, mais qui songent aux conditions du lendemain. La violence prolétarienne, exercée comme une manifestation pure et simple du sentiment de lutte de classe, apparaît ainsi comme une chose très belle et très héroïque ; elle est au service des intérêts primordiaux de civilisation ; elle n’est peut-être pas la méthode la plus appropriée pour obtenir des avantages matériels immédiats, mais elle peut sauver le monde de la barbarie. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Aux yeux de la bourgeoisie contemporaine, tout est admirable qui écarte l’idée de violences. Nos bourgeois désirent mourir en paix ; après eux le déluge. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« L’économie capitaliste a mis en pleine lumière l’extraordinaire puissance des individus. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« On pourrait remplir des pages entières avec l’exposé sommaire des thèses contradictoires, cocasses et charlatanesques qui forment le fond des harangues de nos grands hommes ; rien ne les embarrasse et ils savent combiner, dans leurs discours pompeux, fougueux et nébuleux, l’intransigeance la plus absolue avec l’opportunisme le plus souple. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Il faut juger les mythes comme des moyens d’agir sur le présent ; toute discussion sur la manière de les appliquer matériellement sur le cours de l’histoire est dépourvue de sens. C’est l’ensemble du mythe qui importe seul ; ses parties n’offrent d’intérêt que par le relief qu’ils donnent à l’idée contenue dans la construction. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Le socialisme a toujours effrayé, en raison de l’inconnu énorme qu’il renferme ; on sent qu’une transformation de ce genre ne permettrait pas un retour en arrière. Les utopistes ont employé tout leur art littéraire à essayer d’endormir les âmes par des tableaux si enchanteurs que toute crainte fut bannie ; mais plus ils accumulaient de belles promesses, plus les gens sérieux soupçonnaient des piéges, en quoi ils n’avaient pas complètement tort, car les utopistes eussent mené le monde à des désastres, à la tyrannie et à la bêtise, si on les avait écoutés. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« La jalousie est un sentiment qui semble être surtout propre aux êtres passifs ; les chefs ont des sentiments actifs, et la jalousie se transforme chez eux en une soif d’arriver, coûte que coûte, aux positions les plus enviées, en employant tous les moyens qui permettent d’écarter les gens qui gênent leur marche en avant. Dans la politique il n’y a pas plus de scrupules que dans les sports : l’expérience apprend tous les jours avec quelle audace les concurrents dans les courses de tout genre corrigent les hasards défavorables. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Il est très souvent question dans la littérature socialiste d’une future dictature du prolétariat sur laquelle on n’aime pas beaucoup à donner des explications ; quelquefois on perfectionne cette formule et on ajoute l’épithète impersonnelle au substantif dictature, sans que ce progrès éclaire beaucoup la question. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
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