« L’esprit de l’homme est ainsi fait qu’il ne sait point se contenter de constatations et qu’il veut comprendre la raison des choses. »
Georges Sorel, Lettre à Daniel Halévy, 1907
« L’économie politique libérale a été un des meilleurs exemples d’utopies que l’on puisse citer. On avait imaginé une société où tout serait ramené à des types commerciaux, sous la loi de la plus complète concurrence ; on reconnaît aujourd’hui que cette société idéale serait aussi difficile à réaliser que celle de Platon ; mais de grands ministres modernes ont, dû leur gloire aux efforts qu’ils ont faits pour introduire quelque chose de cette liberté commerciale dans la législation industrielle. »
Georges Sorel, Lettre à Daniel Halévy, 1907
« La société capitaliste est tellement riche, et l’avenir lui apparaît sous des couleurs si optimistes qu’elle supporte des charges effroyables sans trop se plaindre : en Amérique, les politiciens gaspillent sans pudeur de gros impôts ; en Europe, les préparatifs militaires engouffrent des sommes tous les jours plus considérables ; la paix sociale peut bien être achetée par quelques sacrifices complémentaires. L’expérience montre que la bourgeoisie se laisse facilement dépouiller, pourvu qu’on la presse quelque peu et qu’on lui fasse peur de la révolution.»
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Dans le monde économique, chacun limite son devoir d’après la répugnance qu’il éprouve à abandonner certains profits ; si le patron estime toujours qu’il a fait tout son devoir, le travailleur sera d’un avis opposé, et aucune raison ne pourra les départager : le premier pourra croire qu’il a été héroïque, et le second pourra traiter ce prétendu héroïsme d’exploitation honteuse. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Il faut toujours, quand on étudie l’économie moderne, avoir présent à l’esprit ce rapprochement du type capitaliste et du type guerrier ; c’est avec une grande raison que l’on a nommé capitaines d’industrie les hommes qui ont dirigé de gigantesques entreprises. On trouve encore aujourd’hui ce type, dans toute sa pureté aux Etats-Unis : là se rencontrent l’énergie indomptable, l’audace fondée sur une juste appréciation de sa force, le froid calcul des intérêts, qui sont les qualités des grands généraux et des grands capitalistes. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Dans une société aussi enfiévrée par la passion du succès à obtenir dans la concurrence, tous les acteurs marchent droit devant eux comme de véritables automates, sans se préoccuper des grandes idées des sociologues ; ils sont soumis à des forces très simples et nul d’entre eux ne songe à se soustraire aux conditions de son état. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Le capitalisme pousse le prolétariat à la révolte parce que, dans la vie journalière, les patrons usent de leur force dans un sens contraire au désir de leurs ouvriers ; mais cette révolte ne détermine pas entièrement l’avenir du prolétariat ; celui-ci s’organise sous l’influence d’autres causes et le socialisme, lui inculquant l’idée révolutionnaire, le prépare à supprimer la classe ennemie. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
« Non seulement la violence prolétarienne peut assurer la révolution future, mais encore elle semble être le seul moyen dont disposent les nations européennes, abruties par l’humanitarisme, pour retrouver leur ancienne énergie. Cette violence force le capitalisme à se préoccuper uniquement de son rôle matériel et tend à lui rendre les qualités belliqueuses qu’il possédait autrefois. Une classe ouvrière grandissante et solidement organisée peut forcer la classe capitaliste à demeurer ardente dans la lutte industrielle ; en face d’une bourgeoisie affamée de conquêtes et riche, si un prolétariat uni et révolutionnaire se dresse, la société capitaliste atteindra sa perfection historique. »
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908
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