« Une classe, pas plus qu’une caste, ne se relie aux classes inférieures par une gradation continue. Il n’y aurait pas de classes si l’inégalité n’était pas, en quelque manière, hétérogénéité, si elle ne comportait que du plus ou du moins. Les caractères qui séparent doivent être qualitatifs : en outre, ils sont communs à tous ceux qu’ils distinguent. Toute démarcation sociale est à la fois barrière et niveau. Il faut que la frontière soit un escarpement, mais qu’au-dessus de l’escarpement il y ait un plateau. Au dedans d’elle-même, toute classe est égalitaire ; elle n’admet ni pentes ni sommets : l’égalité dans la classe est condition de la supériorité de classe. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Tout nivellement distingue, toute distinction nivelle. Un principe d’égalité ne peut être appliqué sans dessiner des limites ; et comme il est toujours en quelque manière un principe moral, il exhausse le groupe qu’il délimite. Réciproquement, tout groupe qui s’attribue une supériorité atténue ou masque, dans son sein, les inégalités individuelles afin de faire ressortir la seule supériorité collective ; et l’on voit les individus s’effacer d’eux-mêmes et rentrer dans le rang. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Il est des vices qui ne déclassent point, qui sont même très bien portés, et des vertus qui sont difficilement tolérées parce qu’elles sont rares : il faut être distingué ; il ne faut pas se singulariser. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Il n’y a pas de démarcation entre le riche et le pauvre : on est plus ou moins riche. Il n’y a pas transition insensible entre les classes : on est bourgeois ou on ne l’est pas. La richesse ne peut donc pas, par elle-même, différencier des classes. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« […] Les plus voisins de la frontière des classes sont ceux qui la maintiennent le mieux. Les uns s’appliquent à marquer qu’ils sont au-dessus de la limite ; les autres, par l’effort qu’ils font pour la franchir, signalent involontairement qu’ils sont au-dessous. Et, comme cette limite tombe au beau milieu de ce qu’on appelle très improprement « la classe moyenne », c’est là que les distinctions sont les plus nuancées et que la lutte est la plus âpre. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Les jugements de valeur sont un peu plus difficiles à manier que les jugements d’existence, mais ils ne relèvent pas d’une logique essentiellement différente. Une chose vaut soit comme moyen soit comme fin. Un moyen est une cause efficiente. Une suite de moyens est une série de causes et d’effets dont le premier terme est un acte de notre volonté et le dernier le résultat désiré. Juger qu’une chose est bonne comme moyen, c’est juger que, par le jeu des lois naturelles, elle produira l’effet attendu ; mais on veut en outre qu’elle soit un bon moyen, ou le meilleur moyen, c’est à dire un moyen plus sûr ou plus économique qu’un autre de produire l’effet voulu. L’évaluation comparative des biens qui valent à titre de moyens n’est possible que s’ils sont moyens d’une même fin, et se réduit à une question de rendement. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Les jugements de l’opinion, surtout ceux de l’opinion collective, ne sont pas, d’ordinaire, rationnellement fondés. Ils ne sont même pas, à proprement parler, des jugements empiriques, car, ceux-ci peuvent être réfléchis et pesés ; or ceux la sont les plus souvent spontanés et sentimentaux. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Nous jugeons avant de penser : nous avons des jugements mystiques avant d’avoir des jugements de raison. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Les jugements les plus difficiles à déraciner sont les jugements de valeur parce qu’ils sont les moins réfléchis, et parmi eux les jugements collectifs, ceux que le sujet n’a pas lui-même formés, mais qu’il a reçus tout formés du milieu social auquel il appartient : tels sont ceux que nous pouvons appeler jugements de classe. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
« Si l’opinion que les autres ont de nous était un jugement réfléchi, raisonné, documenté, critiqué, fondé, il n’y aurait pas de classes sociales, car ce jugement serait l’estimation exacte de ce que nous valons véritablement, la reconnaissance de notre mérite personnel, à moins qu’il ne fut celle de notre misère intellectuelle et morale. »
Edmond Goblot, La barrière et le niveau. Etude sociologique sur la bourgeoisie, 1925
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