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Discours Mikhaïl Gorbatchev à la Conférence de Madrid

Discours Mikhaïl Gorbatchev à la Conférence de Madrid-30/10/91

La Conférence de Madrid s’est déroulée sur trois jours à partir du 30 octobre 1991, Ce fut la première tentative de la communauté internationale pour initier un processus de paix au Proche-Orient. Elle était soutenue conjointement par les États-Unis et l’URSS.

Monsieur Félipe Gonzalez,

Monsieur George Bush,

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais commencer par exprimer ma reconnaissance à nos hôtes, au roi d’Espagne et au gouvernement espagnol, pour leur invitation à tenir à Madrid cette conférence si importante pour le monde. Il aurait été difficile de choisir un meilleur endroit aussi bien du point de vue du prestige du pays que du point de vue de la géopolitique.

Je salue à Madrid le président des États-Unis d’Amérique, les délégations et observateurs arabes, la délégation israélienne, les représentants de la Communauté européenne et le secrétaire général de l’ONU.

La composition de cette conférence, son caractère et son objectif attestent que nous participons à l’une des plus remarquables initiatives de la nouvelle politique mondiale.

Le chemin conduisant à cette conférence a été parsemé de milliers de victimes et de destructions, ainsi que des malheurs de peuples. Ce chemin a été marqué par la haine et la cruauté. Il est souvent passé par des chemins qui recelaient un danger d’explosion universelle.

Ce conflit, le plus durable de cette seconde moitié du XXe siècle, a lourdement été marqué par la guerre froide. Ce n’est qu’après la fin de cette guerre que le règlement de ce conflit est devenu possible.

Toutefois, nous avons eu d’énormes efforts à faire pour promouvoir ce processus de règlement. Ces efforts incarnent l’énorme potentiel de bonne volonté et de responsabilité des hommes d’État et hommes politiques qui se sont engagés dans la réalisation de cette tâche universelle. Il s’agit en effet d’une région où se trouvent les nombreuses racines d’une civilisation et d’une culture millénaires, où s’entrecroisent les intérêts vitaux de la communauté internationale et où vivent des peuples dont le génie a donné à l’humanité de remarquables acquis.

Je ne peux pas ne pas aborder le rôle joué par les deux puissances dont les présidents se trouvent devant vous au titre de coparrains de cette réunion. L’histoire a voulu que, sans l’amélioration et, par la suite, sans la modification radicale des relations soviéto-américaines, nous n’aurions pu parvenir à de profondes transformations dans le monde permettant de parler d’une période de paix foncièrement nouvelle dans l’histoire mondiale. Le mouvement en ce sens a déjà commencé.

Ce n’est que dans ce contexte que l’on peut comprendre l’espoir réel apparu dans le règlement du problème arabo-palestinien.

La coopération entre les deux grandes puissances, entre les autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU a été nécessaire pour stopper l’agression contre le Koweït, pour confirmer l’efficacité des nouveaux critères de relations internationales. Aussitôt après que nous nous sommes entendus avec le président Bush, en septembre de l’année dernière, à Helsinki, sur la guerre du Golfe, nous nous sommes attaqués vigoureusement et en commun au règlement du problème du Proche-Orient.

Tout ce que nous avons fait pour cela, les Américains et nous-mêmes, a montré que nous avons tiré les conclusions qui s’imposent de la guerre du Golfe. La participation commune de l’URSS et des États-Unis au règlement est animée par leur volonté, d’offrir leurs bons offices et, en aucun cas, d’imposer de l’extérieur des solutions qui seraient contraires aux intérêts nationaux des États de cette région.

Les efforts bi- et multilatéraux entrepris par les parties en conflit l’ont montré : il faut des négociations et un travail collectif pour trouver l’équilibre réaliste des intérêts sur lequel seulement peut se fonder une paix solide.

Cette journée offre une chance unique. Il serait impardonnable de la laisser échapper. Tout le monde a intérêt à sa réussite. Cela non seulement parce que les droits des peuples, des nations, de l’homme sont en train de devenir une base universelle et généralement admise de l’ordre mondial, mais aussi parce que ce problème ne pouvait plus attendre. Le Proche-Orient est devenu une des régions du monde les plus saturées d’armes. On y voit s’accumuler les types les plus meurtriers d’armements, de la technologie nucléaire et autres moyens d’extermination massive.

Notre préoccupation est donc pleinement justifiée. Voilà pourquoi la communauté internationale a toutes les raisons d’attendre de la conférence des décisions levant cette inquiétude. Au lieu de chercher à vaincre une autre partie, on doit œuvrer pour remporter une victoire absolue sur un passé cruel. Voilà, à mon avis, où se trouve le succès de la conférence. Il s’agit là de paix et non d’un armistice. Or une paix solide suppose la réalisation et le respect des droits du peuple palestinien.

Nous avons rétabli nos relations diplomatiques avec l’État hébreu. En effet, l’absence de telles relations était déjà un non-sens dans le cadre des profondes transformations démocratiques observées dans notre pays et sur la scène internationale au moment où le processus de règlement au Proche-Orient a réellement commencé. Nous espérons et nous ferons de notre mieux pour que cela profite aux peuples de nos deux pays et à l’ensemble du monde arabe.

La paix au Proche et au Moyen-Orient est un bien pour tous. Le potentiel de cette région est immense. Tourné vers la création, ce potentiel non seulement permettra de résoudre les problèmes des peuples qui y vivent, mais aussi de devenir l’un des piliers du progrès universel et de la prospérité.

Il convient de se débarrasser des entraves du passé, de mettre fin à l’hostilité, au militarisme, au terrorisme, aux prises d’otages et aux actions qui transforment les gens en réfugiés.

Notre pays souhaite tout particulièrement le succès de la conférence, car il participe au processus de paix au Proche-Orient et possède des liens profonds et de longue date avec les peuples de cette région.

Le règlement du conflit proche-oriental et des autres conflits détermine dans une grande mesure les rythmes et le caractère de la solution des problèmes apparaissant à cette étape de l’histoire mondiale.

L’accélération du processus historique sur des bases démocratiques est un phénomène frappant. Une puissante énergie sociale s’en dégage. Elle se distingue par la croissance impétueuse de la conscience et de la cohésion nationales, surtout là où l’on a ignoré ou réprimé pendant longtemps les caractéristiques nationales.

En général, il s’agit d’un processus positif qui promet d’importantes découvertes pour l’avenir et un enrichissement du potentiel créateur de la communauté internationale. Maintenant, il existe plus de possibilités pour maintenir ce processus dans un cadre civilisé. Au plus haut niveau de la politique mondiale, on comprend le caractère complexe de l’élan national et on est prêt à éteindre les conflits interethniques et internationaux. Citons à titre d’exemples le Proche-Orient, l’Afrique du Sud, le Cambodge, la Corée, l’Afghanistan et l’Amérique centrale.

Toutefois, des dangers continuent d’exister, ils ont puissamment jailli en Europe, et ce, semble-t-il, de manière complètement inattendue. Malgré tout, dans les conditions internationales actuelles tout à fait nouvelles, il existe beaucoup moins de possibilités de profiter de l’extérieur -par exemple de la crise yougoslave – pour ses propres fins et de renforcer ses positions au détriment des autres. Au contraire, c’est la volonté d’aider ensemble et énergiquement à résoudre cette crise qui prévaut et ce, en respectant le droit des forces qui y sont entraînées de décider elles-mêmes du sort de leur pays, mais en leur rappelant en même temps leurs responsabilités face à la communauté internationale. On peut espérer que les crises qui apparaissent à notre époque ne seront pas aussi longues que celle dont nous nous occupons ici.

Ces derniers temps, le monde est confronté à une nouvelle crise d’envergure colossale. Je parle de mon pays. Cette crise est devenue inévitable à la suite des contradictions qui se sont accumulées depuis longtemps. Une grande puissance subit des transformations profondes. Ce processus se déroule de façon pénible, douloureuse, provoquant des tragédies personnelles et des conflits interethniques et interrégionaux. Beaucoup de choses dépendent dans le monde entier de la manière dont notre crise sera résolue.

Son règlement signifie également que notre Union recevra de nouvelles qualités, ainsi que les possibilités d’une puissance mondiale dont la base matérielle sera l’économie de marché en tant que partie de l’économie mondiale, la base politique – la démocratie en tant que partie des valeurs humaines – et la source morale, le nouveau mode de pensée.

La principale responsabilité de mener le pays à la croissance et à l’épanouissement repose sur nous. C’est notre tâche. Nos peuples auront à franchir une période de transition difficile. Il est toutefois important que, dans les nouvelles conditions qui ont pu âtre réunies grâce à l’initiative de refuser la confrontation et de se joindre au monde environnant, ce monde n’est pas resté, lui non plus, indifférent à notre grande cause.

La communauté internationale commence à comprendre que ce qui se passe en Union soviétique est plus qu’un quelconque conflit national, que cela concerne tout le monde et touche les intérêts vitaux de la plus grande partie du monde contemporain. Actuellement ce ne sont pas seulement des « votes d’approbation » et des bons vœux que nous entendons, mais nous commençons également à sentir un soutien pratique.

C’est un signe très important d’un mouvement vers une nouvelle époque. L’initiative du président Bush, ainsi que nos initiatives concernant les armes nucléaires constituent un pas immense et un symbole significatif de ce mouvement. L’arme nucléaire a été l’axe de la politique internationale pendant plus d’un demi-siècle. Il s’agit maintenant de la nécessité de changer cette politique et de retirer cet axe pour le remplacer par un nouveau, qui soit bon à mettre sur la route de l’histoire du XXIe siècle.

L’humanité a à faire face à une multitude de problèmes plus importants les uns que les autres, Parmi eux, des problèmes globaux : les problèmes écologique, énergétique, alimentaire, démographique, tous les problèmes de développement, ainsi que la liquidation complète de la menace nucléaire qui se propage à la périphérie de l’ancien centre de confrontation mondiale qui n’existe plus.

On ne peut résoudre ces problèmes qu’ensemble. Voilà pourquoi il est très important de rompre la logique de millénaires et surtout de ce siècle, et de former avec ténacité et patience une nouvelle logique, celle de l’interdépendance, de l’interaction et de la coopération. Nous restons nous-mêmes et mesurons la difficulté de cette tâche. Même dans cette salle les fantômes de l’ancienne mentalité, que nous ne remarquons parfois pas, se promènent encore entre nous.

Nous libérer de ces fantômes nous permettra d’avoir plus de succès dans notre voie vers un nouvel ordre mondial. De quelque façon qu’on l’imagine, il est peut-être actuellement nécessaire de maintenir le processus objectif lui-même, avec l’aide des mécanismes appropriés de l’Organisation des Nations unies, de la CSCE, des communautés européennes, des anciennes structures rénovées et des structures foncièrement nouvelles de sécurité régionale, et des institutions de prévention des crises et de règlement des conflits.

Mesdames, Messieurs,

L’objectif des délégations participant directement à la conférence est de comprendre les détails d’une  immense tâche. Nous, en tant que coprésident, ferons, en collaboration permanente avec nos collègues américains, tout notre possible pour aider à trouver les solutions auxquelles aspirent nos propres peuples et qu’attend le monde entier.

Dans mon intervention, j’ai abordé les problèmes plus globaux du processus mondial. Je l’ai fait pour souligner une nouvelle fois le contexte international important de la conférence et du difficile travail que vous aurez à accomplir.

Je vous souhaite plein succès.

 Voir aussi:

Discours de démission de Mikhaïl Gorbatchev

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