Les sonnets écrient par Louise Labé semblent doublement émancipés : à l’égard des modèles « pétrarquisants » de l’époque, comme à celui de l’inspiration classique d’un amour où la femme se figerait, offerte au désir masculin. Aimée autant qu’amante, « muse » autant que partenaire, dans une langue qui est à la fois gracieuse, pure et vibrante, elle abreuve ses vers, des cris et gémissements d’une passion débordante. « Je vis, je meurs… » est l’un des plus célèbres poèmes de Louise Labé.
« Je vis, je meurs… »
Louise Labé, Sonnets VIII, 1555
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noye,
J’ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m’est et trop molle et trop dure ;
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup1 je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief2 tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure :
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur3,
Il me remet en mon premier malheur.
1 : En même temps / 2 : Pénible / 3 : Bonheur